Ecrits
Mère miroir et narcisse caméléon
(Œuvre d’art fluxusso-beniste, sic)
par Pierre-Etienne BALLIF
Les événements et le verbe être
Le postulat de départ est le suivant : le réel est neutre esthétiquement. En langage clair, il n’est ni laid, ni beau : ni le grand canyon, ni ma femme, ni celle de mon voisin ne le sont par l’effet de leurs propres substances.
Tout savoir de ces formes doit aboutir à la reconnaissance de leur RÉALITÉ avant tout choix effectué de jeter ou pas son dévolu en termes narcissiques progressifs et donc évolutifs sur tel ou tel objet, comme certaines interprétations sont dites évolutives, mutatives ou déterritorialisantes.
De l’axiome de Maldiney : « Le beau est l’accord avec elle-même de la proposition », on ignore que le sujet différent ou semblable ontologiquement, en est le principe décisionnel.
La question est donc du jeu auquel, à condition d’en avoir conscience, donc envie, je participe, créant le beau en moi.
L’approbation d’une forme, qu’elle soit naturelle ou artificielle, dépend toujours de l’individu seul confronté à cette réalité et la conscience, l’intelligence et la compréhension des raisons d’être de ce qui stimule nos sens est gage d’ouverture du sujet vers la réalité objectale comme semblable ou différente de ce qui sémantise ce sujet.
Cette ouverture est donc gage d’amour, non de Narcisse en mère-miroir, mais de la mère réelle, c'est-à-dire d’une mère composée de toutes les psychés à laquelle fait face un Narcisse Caméléon.
Pourtant, cette compréhension de la réalité de l’objet esthétique, c'est-à-dire d’un objet auquel on confère ce statut, n’est jamais gage obligatoire de la qualification par le sujet de sa forme en termes de plaisir ou de déplaisir.
Il faut affirmer, dans un premier temps, le prima du psychologique qui dose l’affectif, le cognitif et le sensuel chez chacun, et responsabiliser et isoler théoriquement chaque sujet, avant, dans un deuxième temps, de faire retour à ce à quoi chaque sujet se subsume, à quoi chaque sujet obéit, bref, à la grégarité, au surmoi et au moi social.
Commencer par le sujet humain, par le cogito, c’est poser que ce qui est beau est vrai. Le bien-fondé d’une relation sujet\objet esthétique est la vérité de la proposition.
Or, la vérité classique est celle de l’objectivité absolue neutralisant le sujet. Elle appartient au domaine de la preuve, du mathem, alors que la vérité la plus profonde de l’individu seul, est celle de l’idiome qui révèle le singulier sans l’autosuffisance duquel nulle œuvre d’art ne naît techniquement viable, singulier qui doit être à lui-même sa propre preuve en quittant maman.
Se sortir de l’impasse fascisante ou autiste n’est possible qu’en constatant simplement la vérité de tout ce qui est, jusque et y compris la positivité de l’imaginaire qui s’incarne en l’œuvre.
Seul, le statut de la vérité change, parce que changent de diagrammes les trois sujets qui composent un être humain réel :
le sujet du Logos, universel, intemporel et interchangeable;
le sujet de la Poésie, singulier, unique, absolument différent;
le sujet de la technique, médian, à la foi juridique, psychologique et surtout pratique.
Pour un artiste engagé dans une procédure de perfectionnement et de purification, le sujet du Logos et de la Poésie obéissent à la recherche de l’idéal du moi.
La tension contradictoire, presque paradoxale de ces deux pôles est souvent le moteur des passages à l’acte les plus performants. L’extrémisme et la radicalité des choix font des œuvres produites les incarnats plus ou moins purs soit du même absolu, soit du différentiel le plus radical.
L’amateur, l’artiste est le premier d’entre eux, coïncide historiquement avec le modus vivendi du sujet médian, celui de la technique qui inscrit, espère-t-il, sa vie esthétique dans le bien-être. Il cherche la viabilité de sa psychologie, c'est-à-dire soit la confirmation de ce qu’il tient pour la vérité, soit son altération qui lui permet de jouir de sa faculté de critique.
Les contradictions internes libidinales auxquelles se livrent en permanence les trois sujets qui nous composent, s’apaisent dans la connaissance et la compossibilité de deux instances aux buts différents : l’idéal du moi d’une part, moteur entre la naissance et la mort et le moi réel idéal transversalement établi par chacun d’autre part.
Le premier est d’essence révolutionnaire, progressiste et absolutiste, le second est tempéré, viable, réaliste, on a coutume de dire sub-dépressif.
MOI IDEAL (naissance) vers OBJET IDEAL DU MOI (mort) ligne de vie, temps qui passe. (Demandez-moi la suite si le texte vous interesse )